Un salon du livre c’est comme une librairie, un jardin ou un plateau de jeu : c’est une représentation du monde en miniature.

Nous avons deux histoires à propos du château comme lieu destiné à l’histoire de l’art et à l’art de raconter des histoires. D’abord Le Château des destins croisés d’Italo Calvino.

Plusieurs personnes qui ne se connaissent pas se retrouvent à table dans un château, et tandis que chacune souhaite raconter aux autres son histoire, chacune est frappée de mutisme. Un jeu de tarot leur permet de remédier à cette soudaine incapacité en combinant les images très narratives des cartes à jouer. La deuxième histoire n’est pas dans un livre. Nathalie a grandi à Fontainebleau où ses parents tenaient le café L’Impérial. La cave du café communiquait avec les caves du château, et Nathalie a passé son adolescence à organiser des soirées clandestines dans le château, allumant des barbecues, jouant aux cartes, jouant les jeux de l’amour et de l’amitié. Elle enseigne aujourd’hui l’histoire de l’art. Ces deux histoires pour dire l’orientation générale du salon cette année : se raconter des histoires. Histoires de l’art, histoires du « présent du passé », histoires du présent toujours mobile de l’actualité : celle de la recherche, celle de la création éditoriale. Le salon expose la production éditoriale des savoirs en histoire de l’art, comprise à la fois comme une discipline relevant des sciences humaines et sociales, comme un ensemble de pratiques, de méthodes et d’opérations, mais aussi comme « jeu de positions » en empruntant à l’historien de l’art Victor Claass le titre de son essai sur quelques billards peints. Le salon expose les positions qui font la richesse de la création éditoriale et de la recherche en histoire de l’art. Il expose aussi cette production en l’inscrivant dans le champ plus large de l’histoire matérielle, des sciences sociales et des sciences du vivant, de l’histoire du corps et des sensibilités et en l’ouvrant à d’autres domaines de création : littérature, arts de la scène, bande dessinée, jeunesse. L’art est envisagé sous l’angle de sa réception et de ses usages, en interrogeant les modes de diffusion, de narration et de consommation des images.

La scénographie générale du salon : soit un grand chapiteau carré de 30 mètres de côté subdivisé en quatre zones cardinales. Chaque zone est occupée en son centre par un stand de librairie invitée présentant un assortiment thématique, le reste de l’espace étant occupé par les stands tenus par les maisons d’édition, distribués par liens et affinités. Au centre du salon sont invités à prendre la parole une succession de chercheurs et de chercheuses, d’éditeurs et d’éditrices, d’acteurs et d’actrices de l’histoire de l’art et des domaines associés, en partant de la question :

« Quelle est votre position ? » Après deux ans de distance entre professionnels du livre et de la recherche, publics et institutions, nous fêtons les retrouvailles de toutes les parties prenantes de l’histoire de l’art.

 

Alexis Argyroglo, commissaire du salon du livre et de la revue d’art

Jean et Marinette Réveillé avec le cheval Jappeloup, médaille d'or du saut d'obstacles aux Jeux olympiques de Séoul (1988) devant le café L'Impérial, 15 rue Dénecourt, Fontainebleau. Collection Nathalie Réveillé.

Programme du salon du livre et de la revue d’art

Les échanges, rencontres et signatures ont lieu principalement sur l’espace central du salon, occupé par deux tables carrées de discussion, de jeux et par un billard français. Les trois jours du salon sont rythmés par des jeux de position en histoire de l’art animés par les chercheurs et chercheuses Victor Claass, Manuel Charpy, Milena Jaksic, Éléonore Challine, Paul Sztulman, Estelle Durand, Sophie Cras, Emmanuel Guy, Émilie Notéris, Didier Schulmann, Antonella Fenech et Sally Bonn.

vendredi 3 juin

Une contorsionniste, Macarena Gonzalez Neuman, lance le programme vendredi 3 juin par une performance gestuelle tandis qu’Ariane Martinez présente Contorsion. Histoire de la souplesse extrême en Occident, XIXe–XXIe siècles (Société d’histoire du théâtre). Suit une présentation performée de L’attrait des ventriloques (Yellow Now) par son auteur Érik Bullot. Puis Clément Dirié anime trois discussions autour de l’histoire de l’art en série où il est question de revues, de collections et d’anthologies. La première réunit Mica Gherghescu, Laurence Gueye-Parmentier et Didier Schulmann autour de La Fabrique de l’histoire de l’art. 200 revues, 1903-1969 (Textuel). La deuxième réunit Marion Sergent, Marion Alluchon, Cécile Bargues et Hugo Daniel autour de la collection « L’École des Modernités » publiée par l’Institut Giacometti avec les éditions Fage et notamment de Louise Janin, l’art de l’entre-deux, Primitifs modernes ? Définir l’art naïf en France dans les années 1930 et Sophie Taeuber-Arp, les dernières années. La troisième réunit Cédric Vincent et Barbara Safarova autour de la collection « Lectures maison rouge » publiée par JRP|Éditions et la Fondation Antoine de Galbert, et des titres Art contemporain africain. Histoires d’une notion par celles et ceux qui l’ont faite et L’Art brut aux États-Unis: un concept à l’épreuve. Claire Winter anime de son côté une discussion avec Sylvain Venayre, Pascal Brioist et Anne Simon autour de la collection « Histoire dessinée de la France » (La Découverte et La revue dessinée) et particulièrement de son tome 9 En âge florissant. De la Renaissance à la Réforme. La journée du vendredi est clôturée par les histoires de château de Mijo Thomas et Nathalie Réveillé, portant sur les origines du festival d’histoire de l’art et le passage secret des caves d’un café à celles du château de Fontainebleau.

samedi 4 juin

La journée du samedi 4 juin débute par deux discussions, l’une avec Jean-Yves Mollier et Olivier Deloignon autour des ouvrages D’encre et de papier. Une histoire du livre imprimé et Histoire des libraires et de la librairie de l’Antiquité jusqu’à nos jours (Imprimerie nationale – Actes Sud), l’autre avec Martine Denoyelle et Katia Bienvenu autour des circulations, droits et usages des images. Manuel Charpy et Sophie Derrot animent ensuite deux rencontres autour de publications du Musée des arts décoratifs : Atours romanesques et modes troubadour, 1804-1848 avec Bastien Salva, et Revivals. L’historicisme dans les arts décoratifs français au XIXe siècle avec Anne Dion-Tenenbaum et Audrey Gay-Mazuel. Marie Cosnay et Georges Didi-Huberman discutent de la figure du témoin, de la sensibilité à l’histoire, et de leurs derniers livres, respectivement Des îles. Lesbos 2020, Canaries 2021 (L’Ogre) et Le témoin jusqu’au bout. Une lecture de Victor Klemperer (Minuit). Hervé Joubert-Laurencin présente son livre Le grand chant. Pasolini poète et cinéaste (Macula). Suit une discussion réunissant Patricia Falguières et Émilie Notéris (Alma Matériau, Paraguay Press) autour des institutions, catégories et généalogies du savoir en histoire de l’art, dans une perspective féministe. Éléonore Challine présente la revue Photographica, mais aussi le travail d’Abigail Solomon-Godeau et le tiré à part Reconsidérer la photographie érotique. Notes pour un projet de sauvetage historique (Sorbonne). La journée du samedi est clôturée par Zrinka Stahuljak, auteure des livres Les fixeurs au Moyen Âge. Histoire et littérature connectées (Seuil) et de Médiéval contemporain. Pour une littérature connectée (Macula).

dimanche 5 juin

Dimanche 5 juin, une première rencontre avec Franck Manuel pour De la fabrication des fantômes (Anacharsis) et Grégory Delaplace pour Les intelligences particulières. Enquête dans les maisons hantées (Vues de l’esprit). Claire Tenu s’entretient avec Jean-François Chevrier autour des territoires en histoire de l’art, de la forêt de Fontainebleau comme cas d’espèce. Bruno Serralongue présente Calais. Témoigner de la « Jungle», 2006-2020 (Heni). Paul Sztulman présente avec Benjamin Delmotte et Eugénie Zuccarelli la revue Décor. Puis Valérie Mréjen raconte des histoires de gardiens et de gardiennes de musées en présentant son Gardien Party (avec Mohamed El Khatib, Manuella), Muriel Pic donne à entendre L’argument du rêve (Héros-limite), et Marie de Quatrebarbes donne à comprendre l’historien de l’art Aby Warburg en présentant Aby (POL). Puis trois histoires à propos d’Albrecht Dürer, qui n’ont pas encore fait l’objet d’une publication : celle de Véronique Yersin où il est question d’un rhinocéros, celle de Matthieu Gounelle où il est question d’une météorite et celle de Ludovic Lamant où il est question d’un voyage. Enfin pour clôturer la journée de dimanche et le salon du livre, un cours spectaculaire d’Hortense Belhôte intitulé « Performeureuses », qui propose de revisiter l’histoire de la performance et de la danse contemporaine en les inscrivant dans l’histoire mondiale des corps en mouvement.