Tatiana Mignot-Chasseloup, deuxième lauréate du concours « Ma thèse en histoire de l’art en 180 secondes »

Tatiana Mignot-Chasseloup est guide-conférencière et enseignante en histoire de l’art auprès de différentes institutions (GRETA-METEHOR, GRETA-CDMA, École du Louvre, …). Depuis 2023, elle prépare une thèse intitulée « Peindre la ville : la peinture de vue topographique à Paris au XVIIIe siècle »sous la direction d’Emilie BECK-SAIELLO, professeur d’histoire de l’art moderne à l’Université Sorbonne Paris Nord.

Le samedi 1er juin 2024, sa prestation lors du concours « Ma thèse en histoire de l’art en 180 secondes » a été récompensée par le 2e prix du jury. 

Pierre-Antoine Demachy (1714-1789), L'Hôtel de la Monnaie, le quai de Conti et la Seine, vus de la pointe de la Cité, 1777, huile sur toile, 41,5 x 64 cm, Paris, Musée Carnavalet . © Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris

« Si vous êtes aujourd’hui sous cette tente à Fontainebleau, c’est sans doute parce que vous vous intéressez à l’Histoire de l’art. Alors, si je vous demande : parmi vous, qui a déjà entendu le nom de Canaletto ou celui de Guardi ? Je verrais sans doute de nombreuses mains levées. Mais si je modifie un peu ma question, en changeant les noms par ceux de Raguenet ou Demachy…. J’aurai beaucoup moins de succès. Pourtant tous ces artistes peintres étaient contemporains, ils ont tous vécu au XVIIIème siècle et se sont illustrés dans le même genre, la peinture de vue urbaine appelée en italien la veduta.

Alors, quelle est leur différence ?  Ils n’ont pas travaillé au même endroit ! Les premiers à Venise, les seconds à Paris. Visiblement, la postérité a été bien plus favorable aux Vénitiens qu’aux Parisiens.

Cependant, les œuvres de ces derniers ne sont pas complètement méconnues et vous les avez sans doute déjà croisées au détour d’une publication sur l’histoire de Paris, car leurs tableaux sont très souvent utilisés comme des témoignages sur les transformations de la ville. C’est justement là tout le problème. Hormis quelques travaux isolés, aucune synthèse ne s’est encore intéressée à ces peintres pour eux-mêmes. C’est là toute l’ambition de mon travail.

Je suis en train de définir un corpus, un catalogue de noms et d’œuvres, pour comprendre qui étaient ces peintres de vue parisienne. Étaient-ils des spécialistes du genre qui ne peignaient que cela ou ces œuvres s’inscrivaient-elles dans une production plus vaste ? Étaient-ils des Parisiens ou des peintres de passage ?

J’aimerais aussi comprendre leur portée. Au XVIIIème siècle, la veduta était considérée comme un genre mineur. Si parmi les peintres que j’étudie, certains appartenaient à l’Académie, la voie « royale » si j’ose dire, ils sont peu nombreux. Où sont les autres ? Comment ont-ils trouvé leur place sur le marché de l’art ?

Et d’ailleurs en parlant de marché, qui achetait cela ? Ni la monarchie, ni les touristes pourtant friands des œuvres de Canaletto. C’est du côté des notables parisiens qu’il faut chercher les clients. Pourquoi ? Quelle estime accordaient-t-ils à ces œuvres qui représentent des paysages qu’ils connaissaient si bien ?

Je n’en suis qu’au début de mes recherches mais voilà des peintres qui soulèvent beaucoup de questions, vous ne trouvez pas ? On pourrait penser, il est vrai, que si l’histoire de l’art les a mis de côté pendant aussi longtemps, c’est peut-être parce qu’il s’agissait de peintres de moindre talent. Méritent-ils pour autant d’être jetés aux oubliettes ? Permettez-moi d’en douter et j’ose espérer qu’à l’issue de mon travail, ils retrouveront leur juste place dans l’histoire de la peinture et que vous aussi, vous serez convaincus de leur intérêt artistique. »

Le concours « Ma thèse en histoire de l’art et en archéologie en 180 secondes » est organisé chaque année grâce au soutien de la Fondation pour l’art et la recherche.