Sport et Mexique au cinéma

Pour préparer la section cinéma, nous avons commencé à nourrir deux listes distinctes de films, l’une pour le thème annuel, l’autre pour le pays invité, les deux se croisant parfois (Olimpiada en México, réalisé par Alberto Isaac pendant les Jeux Olympiques de 1968).  Augmentées de commentaires, de bibliographies et d’informations précieuses concernant les ayants droit et les copies, ces listes s’allongent chaque jour au gré des visionnages de nombreuses découvertes et des « re-visions ».

En favorisant le dialogue entre les œuvres et leurs auteurs, nous approfondissons la filmographie de certains cinéastes mexicains contemporains majeurs (Arturo Ripstein notamment) ou celle d’auteurs de la génération actuelle (Carlos Reygadas, dont les films divisent souvent la critique). Nous tenons à repérer celles et ceux qui aujourd’hui travaillent au Mexique à renouveler l’art du cinéma, ses formes et ses genres, celles et ceux qui interrogent cinématographiquement les sujets importants : la situation et le soulèvement des communautés indigènes, la frontière et la proximité des Etats-Unis, la violence et la criminalité, le riche imaginaire de la mort. Nous avons également à cœur d’identifier le travail des quelques réalisatrices qui ont pu s’imposer dans un pays connu pour son violent machisme. Mais quelle place réserver aux sublimes regards portés sur le pays au fil du temps par quelques cinéastes non mexicains, de Sergueï Eisenstein (Que Viva Mexico !, 1931) à Thierry Zéno (Chroniques d’un village tzotzil, 1992), de Fred Zinnemann et Paul Strand (Les Révoltés d’Alvarado, 1936) à Chantal Akerman (De l’autre côté, 2002) ?

Si les films réalisés par Luis Buñuel au Mexique sont plutôt identifiés par le public cinéphile, tout un pan de l’histoire du cinéma mexicain reste encore à découvrir. Nous commençons à dépouiller les collections des institutions cinématographiques (Cineteca Nacional México, Filmoteca UNAM et l’Instituto Mexicano de Cinematografía, IMCINE) qui poursuivent depuis quelques années un travail conséquent de restauration de nombreux trésors méconnus. À la faveur de quelques rééditions récentes sur les écrans français (par les Films du Camélia) et d’une ample rétrospective présentée au Festival international du film de Locarno en août dernier (partiellement reprise cet automne à la Cinémathèque française), nous replongeons dans cet âge d’or du cinéma de studio (1940-1950), notamment dans les mélodrames plutôt méconnus de Roberto Gavaldón ou de Julio Bracho. Parcourir ces œuvres, c’est reconnaître la force que le cinéma mexicain de cette époque tire, sur le modèle d’Hollywood, d’un impressionnant savoir-faire et de sa capacité à réunir les artistes les plus talentueux sur un même plateau, devant et derrière la caméra. Parmi eux, l’immense comédien Arturo de Córdova : à le retrouver coup sur coup dans plusieurs films, chez Bracho (Crépuscule, 1945) ou Gavaldón (La Déesse agenouillée, 1947), jouer des personnages torturés et délirants, un trouble naît. N’annonce-t-il pas déjà celui qu’il incarnera chez Buñuel dans Él (Tourments, 1953), portrait au scalpel d’un homme colérique à la jalousie maladive et grand paranoïaque ? 

Crépuscule (Crepúsculo) de Julio Bracho, 1945 © Les Films du Camélia

Le cinéma et le sport moderne sont nés en même temps. Dès ses origines, le cinéma a su décomposer, enregistrer et écrire le mouvement sur la pellicule. Pour creuser la question du sport filmé, nous avons récemment amorcé un échange avec Julien Faraut, en charge des fonds cinématographiques de l’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance (INSEP). Immédiatement, il a attiré notre attention sur plusieurs archives, également en lien avec le Mexique. Par ailleurs, Julien Faraut a signé trois longs métrages absolument passionnants. Son Regard neuf sur Olympia 52 (2013) explore la genèse du tout premier long métrage réalisé par Chris Marker sur les Jeux Olympiques d’Helsinki. Les Sorcières de l’Orient (2020) retrace, archives à l’appui, la trajectoire hors du commun d’ouvrières japonaises joueuses de volley-ball, victorieuse aux Jeux Olympiques de Tokyo en 1964. Entre les deux, L’Empire de la Perfection (2018) nous plonge dans le Roland Garros des années 80 au plus près du numéro un mondial, John McEnroe. Réalisé à partir des archives réunies par Gil de Kermadec, le tout premier Directeur technique national de la Fédération Française de Tennis, le film est assurément aussi captivant que la finale qui opposa le joueur américain au tchécoslovaque Ivan Lendl. Convoquant au moins deux autres amateurs de tennis (Jean-Luc Godard et Serge Daney), il est un précis ludique d’analyse du mouvement. Sa voix off (Mathieu Amalric) rappelle d’ailleurs que le complexe de Roland Garros a été construit sur les ruines de la Station physiologique du Parc des Princes où expérimentait Etienne-Jules Marey, le pionnier de la chronophotographie. À l’image, McEnroe est observé sous toutes les angles, mais aussi sous l’emprise de ses célèbres colères : nous reviennent alors en tête d’autres images, celles du film des artistes Philippe Pareno et Douglas Gordon, Zidane, un portrait du XXIe siècle (2004)