Sophie Guermann, lauréate du Prix du public du concours « Ma thèse en histoire de l’art en 180 secondes » en 2025

Portrait Sophie Guermann

Sophie Guermann prépare actuellement une thèse intitulée « De l’eau des diamants. Une histoire culturelle des joyaux de la Couronne de France, et de leur désacration par la République en 1887. » (titre provisoire) sous la direction de Pascal Griener et Didier Nectoux (Université de Neuchâtel/École du Louvre).

Très intéressée par la joaillerie et la gemmologie, elle travaille sur les joyaux de la Couronne de France depuis son mémoire de Bachelor. Sa thèse porte plus précisément sur la vente, la muséalisation et la destruction des joyaux de la Couronne de France par la IIIᵉ République.

Le samedi 7 juin 2025, sa prestation lors du concours « Ma thèse en histoire de l’art en 180 secondes » a été récompensée par le 1er prix du public

Photo de Sophie Guermann, lauréate « Ma thèse en histoire de l’art en 180 secondes » 2025
Sophie Guermann, lauréate « Ma thèse en histoire de l’art en 180 secondes » 2025

Un héritage encombrant : les joyaux de la Couronne face à la IIIᵉ République

« Que faire de cet objet ? » cette question, vous vous l’êtes certainement posée lorsque vous avez reçu un cadeau que vous n’aimiez pas. Ou lorsque vous avez hérité d’objets de famille. Tiraillés entre la culpabilité et la superstition, vous ne savez quoi faire de ces objets qui vous relient à quelqu’un. Si vous avez été confronté à ce problème, alors vous avez tout fait l’expérience du tri familial et patrimonial. Le tri, la transmission et notre rapport au patrimoine embarrassant, est quelque chose qui me fascine, et c’est cela que j’étudie dans ma thèse.

Imaginez cette fois-ci le casse-tête du tri familial au sein d’une nation. Et remplacez vos objets de famille par les joyaux de la Couronne de France, les bijoux et pierres précieuses des rois de France. A la fin du XIXᵉ siècle, la IIIᵉ République hérite de cette collection monarchique, et elle se pose exactement la même question que vous avec vos objets de famille.

Maintenant, représentez-vous le sacre de Louis XIV et voyez la magnifique couronne sertie de diamants qu’il porte sur la tête, elle fait corps avec le roi.

Puis rappelez-vous de cette célèbre phrase attribuée au roi soleil « l’Etat c’est moi », et pensez à cette IIIᵉ République qui s’est opposée à la monarchie, et visualisez quelques 600 hommes politiques avec les diamants de la couronne de Louis XIV entre les mains. Quel cadeau empoisonné ! Ces objets sont si puissants symboliquement que Louis XIV semble presque être ressuscité. En même temps… la France sans Louis XIV, ce ne serait pas la France, et ça, la République en a bien conscience !

Alors comment traiter ce patrimoine embarrassant, tout en légitimant son propre régime ?

  • Premièrement, elle vend aux enchères une partie des joyaux, indiquant alors que la monarchie a été liquidée !
  • Deuxièmement, elle fond une partie des objets en les fondant. C’est simple, plus de couronne, plus de monarchie !
  • Troisièmement, elle envoie les joyaux restants dans trois musées parisiens. D’une manière symbolique, elle met donc la monarchie en vitrine. Certains joyaux sont d’ailleurs complètement anonymisés durant les inventaires ! « M-4849 », voilà la nouvelle dénomination des émeraudes de la couronne de Napoléon III.

 

Je vous ai parlé du patrimoine embarrassant à travers les joyaux de la Couronne de France, mais de nombreux pays ont le même genre de questions face à leur patrimoine contesté. Mon sujet d’étude me permet donc d’appréhender comment une société choisit de préserver, réinterpréter ou effacer son passé. Jeter, conserver, vendre : je ne me prononcerai pas quant au sort de vos objets de famille, mais ce que je peux vous dire c’est que les pierres précieuses et les bijoux, ça ne prend pas beaucoup de place !

Image représentative de l'aliénation des joyaux de la Couronne de France. Image générée par l’auteur avec le modèle DALL·E via ChatGPT (OpenAI), 2025.
Aliénation des joyaux de la Couronne de France. Image générée par l’auteur avec le modèle DALL·E via ChatGPT (OpenAI), 2025.

Le concours « Ma thèse en histoire de l’art et en archéologie en 180 secondes » est organisé chaque année grâce au soutien de la Fondation pour l’art et la recherche.

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