Le Musée de la Chasse et de la Nature, partenaire du FHA22

En 2022 et pour la première fois, le musée de la Chasse et de la Nature est partenaire du festival. Dans ce cadre, le musée prend part à la programmation et proposera une table ronde sur les relations entre humains et animaux par le biais de l’anthropologie, de l’histoire de l’art et de la création artistique, ainsi qu’une « conférence dérapante » de la Compagnie du Singe Debout. Plusieurs interventions du colloque international sur le portrait animal à la Renaissance organisé au musée de la Chasse et de la Nature le 16 mai et au château d’Ecouen le 17 mai seront labellisées FHA22.

Fabien Lacouture, chargé de programmation pour le festival, a rencontré Christine Germain-Donnat, directrice du musée et Karen Chastagnol, conservatrice-adjointe pour évoquer ce partenariat inédit ainsi que les questions de société sur le rapport de l’être humain à son environnement ou l’extinction des espèces, qui traversent le parcours du musée comme la programmation du festival.

Martin Schongauer, Eléphant, vers 1483, gravure sur cuivre, 12 x 142 cm, Paris, Musée de la Chasse et de la Nature

Le musée de la chasse et de la nature était intervenu au festival en 2017, lors de l’édition notamment consacrée à la Nature, mais c’est la première fois qu’un partenariat officiel est créé entre nos deux institutions. Pourriez-vous nous présenter en quelques mots les événements marquants organisés par le musée dans le cadre du festival ?

Karen Chastagnol : Tout d’abord, le musée abrite actuellement et jusqu’au 20 mars une exposition sur le portrait animal, qui a été conçue en contrepoint de l’exposition « Les Animaux du roi » au château de Versailles pour laquelle nous avons prêté une dizaine de tableaux et qui s’ancre dans le thème annuel du festival. Ce parcours introduit un colloque international sur le portrait animal à la Renaissance, organisé par Armelle Femelat (CESR, Tours) et Cécile Beuzelin (Université de Montpellier), et qui aura lieu le 16 mai au musée de la Chasse et de la Nature et le 17 mai au château d’Ecouen, dont les thématiques résonneront là encore avec celles qui seront abordées à Fontainebleau et dont certaines interventions seront labellisées par le FHA. Pendant le festival, nous organiserons une table ronde qui réunira l’un des commissaires de l’exposition du château de Versailles, l’une des organisatrices du colloque sur le portrait animal à la Renaissance, l’éthologue Véronique Servais ainsi que moi-même. Enfin, la compagnie du Singe Debout, accompagnée de l’historien Pierre-Olivier Dittmar, viendra tenir une de ses « conférences dérapantes » sur l’ours. Un dernier mot pour mentionner la présence de la revue Billebaude durant le salon du livre du festival.

Christine Germain-Donnat : Tous ces événements représentent tout à fait l’identité du musée, ces allers-retours entre les œuvres d’art, l’histoire de l’art, les regards contemporains et les apports de la recherche, avec ce grain de folie qui est celui du musée et qu’incarnera cette conférence dérapante. Tous les aspects de notre activité seront ainsi concentrés dans la carte blanche que le festival a offerte au musée.

 

D’ailleurs, pouvez-vous nous dire ce que représente le festival pour chacune de vous ?

Karen Chastagnol : C’est le grand rendez-vous de l’histoire de l’art en France, très important à la fois pour les chercheurs, pour les étudiants mais aussi pour le public. C’est une manière de fêter cette discipline, d’échanger et d’apprendre. Pour moi c’est un moment absolument enrichissant, bienvenu et nécessaire.

Christine Germain-Donnat : Je ne peux que souscrire à ce que Karen vient de dire. C’est une excellente initiative que de consacrer un festival à une discipline qui est souvent – et bien sûr à tort – considérée comme mineure, accessoire, ou que l’on cerne mal. Voir se rassembler pendant trois jours dans ce magnifique écrin qu’est le château de Fontainebleau autant de gens qui s’y intéressent, de chercheurs qui y consacrent tout ou partie de leurs études et de leur vie est très réconfortant.

Albert Dürer, Le miracle de saint Eustache, 1540, Allemagne

Pour bâtir la programmation scientifique du festival, nos réflexions ont été nourries par les « études animales » (ou animal studies) qui, depuis les années 70, ont permis de changer de paradigme et de point de vue sur l’animal. Ces concepts ont-ils eu un impact sur vos réflexions au moment de la rénovation du musée ?

Christine Germain-Donnat : À l’origine de ce musée il y a d’abord une collection, celle de l’industriel François Sommer, grand chasseur mais qui a toujours prôné une chasse raisonnée, respectueuse de la nature et des équilibres des espèces. Il a d’ailleurs été l’un des principaux promoteurs du premier ministère de l’Écologie en 1971. Le musée initial, ouvert en 1967, avait pour vocation d’exposer sa collection et d’illustrer sa pensée. Mon prédécesseur, Claude d’Anthenaise, lors de la première rénovation en 2005-2007, a fait passer à l’arrière-plan le propos cynégétique, les techniques et les instruments de chasse et a choisi de privilégier désormais le rapport de l’homme à l’animal à travers les siècles dans un parcours historique et chronologique au premier étage. Nous venons de rouvrir le musée après deux ans de travaux avec un second étage qui introduit une réflexion contemporaine aux grandes questions écologiques et sociétales actuelles.

Nous avons la chance que le musée de la Chasse et de la Nature comporte également un auditorium et soit accompagné par une revue. Nous pouvons ainsi accueillir des conférences, des chercheurs en science sociale, en sciences naturelles, des philosophes, qui peuvent s’exprimer et avec qui nous pouvons échanger. Nous travaillons enfin en étroite collaboration avec la revue de la fondation, Billebaude, dont les membres, et en premier lieu la coordinatrice Anne de Malleray, nous permettent d’avoir connaissance et plus facilement accès à ce fonds scientifique que, en tant que conservateurs de musées, nous ne pouvons pas toujours aborder de manière aussi approfondie.

Karen Chastagnol : Si nous n’avons pas fait directement appel aux animal studies, nous nous sommes beaucoup appuyés sur des échanges avec des anthropologues, des éthologues, des historiens, des historiens de l’art.

Salon bleu © musée de la Chasse et de la Nature, Paris - Béatrice Hatala

Le musée, tout comme le festival, est porteur de questionnements contemporains sur la biodiversité, la disparition des espèces, le bien-être animal, la place de l’être humain. Pensez-vous que ces réflexions théoriques peuvent avoir une forme d’agentivité, dépasser la réflexion pour aboutir à des actions ?

Christine Germain-Donnat : En effet, et encore plus dans les nouvelles salles ! On entre au second étage par un diorama anthropocène dans lequel le spectateur peut percevoir l’impact des actions humaines sur la nature en général et sur les animaux en particulier. Au-delà de l’impact de ses activités sur son environnement, l’être humain est un vivant parmi les autres et, s’il a des droits, il a aussi de nombreux devoirs. Ainsi, les quatre salles qui suivent abordent les thématiques principales qui sont au cœur des réflexions contemporaines.

Il y a d’abord le cabinet naturaliste de Darwin, qui porte une réflexion sur la biodiversité. Nous abordons ensuite l’éthologie à travers les observations et théories du biologiste et philosophe allemand Jakob von Uexküll et son concept d’umwelt, cette manière d’être au monde qui est singulière pour chaque être vivant. Nous évoquons ensuite la naissance de l’écologie, avec l’un de ses premiers penseurs, le forestier américain Aldo Léopold, dont François Sommer partageait les idées. Enfin la dernière salle rend hommage à Claude Lévi-Strauss et évoque le voyage et la rencontre des civilisations. Une grande salle consacrée à la forêt clôt le nouveau parcours proposé aux visiteurs. Y sont présentées des œuvres se rapportant à ce milieu si particulier, source d’inspiration de nombreux écrivains et artistes. En abordant ces questionnements et en les mettant en scène de manière artistique et poétique, ce nouveau parcours vient compléter celui du premier étage.

Mais notre premier objectif est tout de même d’exposer la collection de François Sommer enrichies d’acquisitions au fil des années, ce sont les œuvres qui priment. Le discours est véhiculé par les œuvres, par leur accrochage, leur mise en regard et non par le seul appareil didactique et pédagogique qui viendrait les accompagner, nous ne sommes pas un musée d’histoire naturelle ni un musée de l’écologie. Nous recherchons l’émotion, voire la sidération devant les œuvres, n’est-ce pas d’ailleurs ce dont rêve tout conservateur ? L’émotion doit primer, même avant la compréhension. Émotion, compréhension, puis réflexion. Si les visiteurs peuvent quitter le musée en pensant à notre accrochage, à ce que certaines œuvres veulent dire et peuvent dire, alors nous avons gagné ! Mais s’ils s’arrêtent au stade premier de la contemplation et de l’appréciation, nous sommes tout aussi satisfaits.

Karen Chastagnol : Nous ne nous livrons pas à un exercice de démonstration. Nous partons de la collection, d’idées fortes, d’un discours que nous voulons mener mais toujours en rapport avec la collection, complétée par l’exposition d’œuvres commandées à des artistes contemporains.

Propos recueillis par Fabien Lacouture, chargé de programmation pour le festival.

Cabinet de Darwin © Musée de la Chasse et de la Nature, Paris - Béatrice Hatala

 

Le fonds du Musée de la Chasse et de la Nature sur Gallica

La bibliothèque de la Fondation François Sommer et le fonds documentaire du Musée de la Chasse et de la Nature constituent un ensemble documentaire unique sur l’œuvre de François et Jacqueline Sommer, l’art animalier, la cynégétique et la pensée environnementale contemporaine.