Contestation et conservation : la difficile équation

Un texte de Michael Lucken

Alors que, jusqu’à il y a une quinzaine d’années, l’histoire des mouvements artistiques contestataires japonais des années 1960 (High Red Center, Zero jigen, Provoke…) était dominée par les protagonistes de l’époque (Hariu Ichirō, Tōno Yoshiaki, Akasegawa Genpei, Taki Kōji…) soucieux de transmettre leur héritage tout en continuant à régler de vieux comptes avec leurs rivaux, chacun rejetant sur l’autre la responsabilité de l’échec politique et de la désillusion qui s’ensuivit, de nombreuses études ont été réalisées depuis par des auteurs plus jeunes qui permettent d’avoir une vision renouvelée et plus précise de la production de cette décennie. Deux courants principaux se dégagent, l’un qui relève d’une sociologie de l’art et tente de redonner un sens général aux « années rouges » ; l’autre qui participe d’une histoire de l’art, de la photographie et du cinéma et poursuit un travail plus circonscrit sur des artistes et des œuvres marquantes. Toutefois, la richesse des analyses proposées et de la documentation réunie cache mal un sentiment durable de nostalgie, un espoir toujours différé de voir les sociétés contemporaines embrayer sur le « dernier grand mouvement de contestation à l’échelle mondiale de l’ordre dominant ». Les questions qui se posent sont donc les suivantes : que faut-il conserver des années 1960 ? Un esprit, mais jusqu’à quand et pour quoi faire ? Des œuvres, mais alors pour quel public et, surtout, sous quelle forme ?