Peu de pays ont connu une histoire artistique aussi foisonnante sur un périmètre géographique aussi « petit » que la Belgique. Très tôt, dès le XXe siècle en Flandres, au Brabant ou en Hainaut, des centres urbains voient le jour et comptent parmi les plus dynamiques de leur temps, rivalisant ainsi avec les plus belles villes en France, en Italie ou ailleurs pendant le Moyen Âge. Manuscrits, retables et tapisseries produits dans les ateliers d’Anvers, Bruges, Bruxelles, ou Tournai, forment la base d’une activité commerciale lucrative qui se développe à grande vitesse au cours des siècles suivants. Il suffit de citer Rogier Van der Weyden ou Jan Van Eyck pour retrouver les plus grands maitres du XVe siècle, tandis que l’architecture religieuse et profane comptent aussi parmi les plus remarquables du continent à la même période.

Face à l’exigüité du territoire, faisons valoir son implication active et continue dans un réseau international. Dès le Moyen Âge, artistes, artisans et architectes entreprennent des voyages et exportent leur savoir-faire aux quatre coins de l’Europe et plus tard à travers le monde. Après la Réforme et la séparation des Pays-Bas du Sud et du Nord en 1581, l’effervescence artistique et culturelle dans les régions du Sud est prodigieuse. Pieter Paul Rubens incarne à lui seul la stature internationale de la production artistique en Belgique au XVIIe siècle. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, Bruxelles se transforme en une ville cosmopolite accueillant artistes et intellectuels de toutes origines dont Charles Baudelaire n’est qu’un des plus connus. La Belgique continue de se développer en un pôle culturel important au XXe siècle. Aujourd’hui, la productivité et la qualité de la création « belge » s’affirme dans tous les domaines : le cinéma, les arts visuels, la danse, la mode, le design, l’architecture et évidemment la bande dessinée. Les créateurs belges occupent incontestablement tous les terrains. Même si le pays est petit, son périmètre d’action est grand et les artistes y jouent un rôle de première importance. Nous aurons donc l’embarras du choix pour faire découvrir l’histoire de l’art de la Belgique aux festivaliers.

Que montrer alors de cette histoire de l’art « belge » ? De celle qui ne se laisse pas raconter dans des termes d’identité nationale ? Car ses frontières sont aussi mouvantes que les limites de son territoire, changées au gré des guerres et de la formation de nouvelles alliances entre les pouvoirs en Europe. Lorsque les frontières de la nation sont tracées avec la déclaration de l’indépendance en 1831, le nouveau royaume cherche son identité en s’inventant un passé imaginaire. En même temps, il se plonge dans la course de la compétitivité industrielle et colonise des territoires en Afrique centrale. Aujourd’hui encore l’histoire politique et culturelle de la Belgique est traversée par des enjeux identitaires entre communautés flamandes et wallonnes. Et le passé colonial a laissé des cicatrices qui restent difficiles à soigner. À la place d’une histoire de l’art nationale, le festival racontera donc des histoires multiples. Slalomons entre les clichés sans nous y attarder et pour en rire. Ce sera le parti pris de notre programmation. Essayons-nous à une histoire de l’art sans frontières, une histoire du dialogue et de la complexité géographiques. Inutile de clore le cercle ou de fermer les frontières.