Diane Bouteiller, architecte du patrimoine et doctorante à l’Université Panthéon-Sorbonne, prépare une thèse sur Les pratiques cynégétiques dans la fabrique de l’architecture et du paysage en France au XIXème siècle, sous la direction de Jean-Philippe Garric. Thèse CIFRE soutenue par la Fondation François Sommer et le Fonds Vènerie.
Le samedi 3 juin 2023, sa prestation lors du concours « Ma thèse en histoire de l’art en 180 secondes » a été récompensée par le 1er prix du jury.
« Et si la chasse à courre avait bien plus impacté l’architecture et le paysage qu’on ne l’imagine ? Au-delà des domaines très connus comme ceux de Chambord ou de Fontainebleau, ce sont des centaines de domaines plus anonymes qui ont été marqués par la vènerie, ce qu’on appelle la chasse à courre. Car c’est ça aussi la vènerie, c’est une pratique sociale qui a généré des formes d’architecture et de paysage très singuliers.
Historiquement, avant la Révolution française, seuls les nobles pouvaient chasser, mais avec l’abolition des privilèges tous les propriétaires fonciers le peuvent. Au XIXème siècle, c’est plus de mille équipages qui sont constitués partout en France. Pour les besoins de ces équipages, on construit les plus beaux châteaux néogothiques, des écuries néo-renaissance, des chenils anglo-normands, on aménage des forêts … Partout en France, ou presque, on construit pour la vènerie. Mais comme la chasse est un sujet délicat, légèrement controversé, il y a finalement peu d’études sur le patrimoine qu’elle a généré. On s’est par exemple focalisés sur les domaines de chasse en Île-de-France et en Sologne. Et dans le reste de la France ? Ça ne vous intéresse pas de découvrir ce patrimoine méconnu ?
C’est ici que j’interviens. J’aimerais dépasser ce débat polémique sur la chasse et révéler l’étendue de ce patrimoine insoupçonné. Dans ma thèse, plus précisément, je m’intéresse au XIXème siècle et à tous les aménagements liés à la vènerie. Croyez-moi ils sont nombreux … Je dirai même qu’ils ont marqué le territoire national. Vous me direz que je vois un peu grand mais je vous répondrai que les forêts qui couvrent actuellement plus d’un quart de la superficie française sont quasiment toutes maillées par des allées cavalières. Ces routes de chasse ménagent des perspectives pour voir loin dans la forêt mais aussi pour mettre en valeur le château qui est au centre de cet écosystème. C’est un lieu de rencontre et de villégiature qui est fait pour voir et pour être vu. L’intérêt est de saisir ce lien fascinant entre l’architecture et la nature et de comprendre l’organisation spatiale du domaine : par exemple, les écuries sont-elles construites devant le château pour participer de sa mise en valeur ? Car, comme vous le savez, le cheval est un objet de représentation sociale au XIXème siècle.
Finalement, le but de ma thèse est de comprendre l’impact de la chasse à courre sur le bâti et le paysage. Je vais donc étudier les domaines aménagés au XIXème siècle, ils sont nombreux certes mais je choisirai un échantillon représentatif. Cela me prendra trois ans, c’est toujours mieux que trois minutes, n’est-ce pas ? ».