Camille Ambrosino, lauréate du Prix du public du concours « Ma thèse en histoire de l’art en 180 secondes »

Camille Ambrosino, chargée d’études et de recherche à l’INHA, prépare une thèse intitulée « Des couleurs en plus : incrustations et applications dans la sculpture figurative de l’Italie septentrionale et centrale (v. 1200- v. 1470) »en cotutelle sous la direction de Philippe SÉNÉCHAL, professeur d’histoire de l’art moderne à l’Université de Picardie Jules Verne à Amiens, et de Clario DI FABIO, professeur d’histoire de l’art médiéval à l’Università degli Studi di Genova. 

Le samedi 3 juin 2023, sa prestation lors du concours « Ma thèse en histoire de l’art en 180 secondes » a été récompensée par le Prix du public.

« Aujourd’hui, je vais vous parler de la sculpture polymatérielle. Alors, vous me direz c’est un terme un peu barbare… J’en conviens. La sculpture polymatérielle correspond à l’utilisation de plusieurs matériaux visibles simultanément dans une même œuvre.

La polychromie engendrée par l’utilisation de matériaux colorés dans la sculpture figurative du XIIIe au XVe siècle a trouvé plusieurs champs d’application, du petit relief de dévotion jusqu’aux sculptures monumentales, en passant par le mobilier liturgique et les monuments funéraires. L’incrustation d’œil en verre devait imiter la vie. Lorsqu’ils étaient utilisés sur un fond de relief, les matériaux insérés permettaient de détacher le motif de l’arrière-plan en mettant en évidence l’espace. De cette manière, des jeux de contrastes entre lumière et surfaces – brillante, mate, plate, en volume – provoquaient une polychromie particulière rivalisant avec la peinture, lorsqu’elle ne la complétait pas.

Prenez quelques secondes, mais rapidement car je n’ai que trois minutes, pour imaginer une sculpture polychrome médiévale. L’écart entre l’état initial de l’œuvre et l’état actuel est considérable. La polychromie sur les sculptures ne rend en aucun cas compte de l’état originel de la couleur. Il est important de garder à l’esprit que ce que nous voyons, correspond à des siècles de changements de goût. Ces modifications incombent surtout aux actions de l’homme, aux intempéries et au passage du temps. Mais c’est surtout à cause de l’homme qui a cherché à modifier, supprimer et parfois, même dans la plus grande bienveillance, à nettoyer les œuvres un peu trop brutalement.

La notion de lumière et plus particulièrement d’éclairage est aussi une problématique importante dans ma recherche. Vous le voyez à partir de cette œuvre. Imaginez-vous dans une église, à la place des fidèles médiévaux. Vous voyez cette œuvre dans un contexte lumineux particulier, éclairée à la lueur des bougies, des cierges et à la lumière naturelle. Toutes ces lumières ont un point commun. Lequel ? Elles sont en perpétuel mouvement et elles oscillent. De cette manière, il était impossible de couvrir entièrement et uniformément les surfaces. Par conséquent, les matériaux incrustés scintillaient et faisaient ressortir certains détails pour accentuer le contenu dévotionnel des représentations.

L’approche médiévale pour la sculpture polymatérielle prouve l’importance de la réflexion des artistes et ateliers dans le choix des matériaux. Rien n’était laissé au hasard. Tout était pensé. La polychromie et l’ornement, c’est ce que l’on appelle la varietas, étaient essentiels. Les matériaux augmentaient ainsi l’efficacité spirituelle et théologique des images.

Ce qu’il faut réellement retenir, c’est que la polymatérialité permettait d’augmenter l’efficacité des images dans la dévotion, tant d’un point vu performatif, qu’esthétique et spirituel. »