Les films de réemploi de Laurent Roth, en sa présence

Les films de réemploi de Laurent Roth
  • 6 juin 202520h45à 22h30

Depuis 2019, le cinéaste Laurent Roth expérimente un nouveau régime d’écriture à partir de bobines achetées sur e-Bay. Ces films amateurs constituent une collection de rushes anonymes qu’il se réapproprie pour tisser un récit à la première personne dans une (fausse) démarche autobiographique. Ces images d’autrui autorisent Laurent Roth à inventer une autre relation entre son moi changeant de narrateur et la multiplicité de points de vue de ses alter ego, témoignant ainsi de la richesse de l’histoire sociale des époques traversées, celle des années 60 et 70.

Le Pays fantôme

« Un soldat filme de sa fenêtre la cour de sa caserne. Nous sommes dans les années soixante-dix et j’essaie d’imaginer ce qu’il peut bien avoir en tête. » (Laurent Roth). Dédié à l’écrivain Yannick Haenel, également découpé en cinq chapitres, le film se présente comme un jeu sous contrainte, où le narrateur Laurent Roth imagine cinq histoires de soldats, cinq contextes possibles pour des images amateurs de caserne achetées sur Ebay. Textes amoureux ou religieux, racontés au singulier ou au pluriel : l’exercice de style déploie les vertigineuses possibilités narratives du cinéma.

Laurent Roth
France / 2019 / Expérimental – Film de réemploi / 10’

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La Nymphe Scylla

« À l’occasion du confinement, je retrouve les rushes de mon premier film, tourné avec mes profs de lycée. Je voulais adapter Les Métamorphoses d’Ovide pour évoquer la nymphe Scylla poursuivie par la vengeance de la magicienne Circé… Cet apprentissage du cinéma réserve bien des surprises ! » (Laurent Roth). Dans ce qui se présente comme une lettre filmée à Jacky Evrard, fondateur et directeur artistique du festival Côté court, Laurent Roth prend prétexte du confinement pour « faire les placards ». Comme dans Une maison de famille et J’ai quitté l’Aquitaine, c’est un film d’images retrouvées : des bobines Super-8 dont la provenance ne nous sera dévoilée qu’à la toute fin. Cet hymne aux cinéastes débutants, au bricolage à la Michel Gondry, aux proches à qui l’on fait jouer malgré eux des dieux en costume de ville, délivre un poignant constat d’impuissance : « La fiction toujours manque le documentaire ». Mais là encore, le jeu ne travestit-il pas une autre réalité ?

Laurent Roth
France / 2021 / Expérimental – Film de réemploi / 15’

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Le Temps de la moisson – Lettre d’un grand-père à son petit-fils

« Il était une fois le patriarcat, celui d’avant, il y a longtemps. Je redécouvre ces images de l’année 1962 que mon père a tournées avec sa petite caméra 16 mm. Le dîner du jour de l’an avec la première télé, la première communion en file indienne, l’été à la ferme avec la moissonneuse-lieuse hors d’âge de mon grand-père. J’ai douze ans, mais c’est l’été de mes seize ans que je revois sur ces images. A un moment apparaît, presque par hasard et comme un fantôme, la fille avec qui j’ai eu ma première histoire. Et toi tu as voulu savoir comment ça se passait entre les garçons et les filles à cette époque… » (Laurent Roth)

Laurent Roth
France / 2023 / Expérimental – Film de réemploi / 20′

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Centaure, centauresses

« Mon grand-père fabriquait des vélos, et tout ce qui tourne et avance autour d’un axe : des machines à coudre, des petites machines agricoles, et bientôt des motocyclettes. Mon grand-père mettait des femmes sur les vélos qu’il inventait, il les photographiait, il les filmait, centauresses modernes chevauchant le “cheval de fer”, invention débridée libérant le corps de la femme, pour lui proposer une dangereuse extase mécanique. Quand ma mère est née il l’a mise à vélo très tôt, et dès qu’elle fut adolescente elle s’est prêtée au jeu des “Journées mondaines du cycle” que mon grand-père organisait à grands frais au Jardin d’acclimatation à Paris pour promouvoir sa marque, Hurtu. Ma mère est morte depuis longtemps. J’ai retrouvé les photos et les films de cette époque dans les archives familiales. Au dos des photos des sorties à vélo de ma mère avec ses amies, des noms, des prénoms, ceux des ouvrières de l’usine figurent aussi, ma mère jeune communiste les entraînait avec elles, comme un défi à son père… Toutes sont filmées dans la “Journée mondaine du cycle 1949” dont je viens de retrouver la bobine. J’essaie d’associer les visages qui défilent devant nos yeux à un nom, un prénom, je ne sais plus qui est qui… » (Laurent Roth)

Laurent Roth
France / 2024 / Expérimental – Film de réemploi / 18’

La projection sera suivie d’une rencontre avec Laurent Roth.

Intervenants : Damien Truchot (programmateur de la section cinéma du Festival), Laurent Roth (cinéaste)

Crédit photo : Laurent Roth, Le Temps de la moisson – Lettre d’un grand-père à son petit-fils, 2023 © Arcosse productions

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